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Climat

La grande braderie du crédit carbone ?

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Entre réunion du G20 et préparation de la Conférence de Copenhague, les discussions sur les mécanismes financiers internationaux vont bon train. Evidemment, devant le changement climatique, l’autre crise globale, le crédit carbone n’est pas exempt du débat. En cette fin mars, deux grandes ONG environnementales, Greenpeace et Les Amis de la Terre, considèrent l’arrivée annoncée des USA dans le cape-and-trade mondial, la bourse d’échange du carbone, et publient à trois jours d’intervalle deux rapports sur les dérives que pourrait connaître le développement d’un marché carbone non régulé.

Ah la spéculation… !

Le principe mis en place par le protocole de Kyoto est simple : lutter contre le changement climatique se fait en favorisant les investissements pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le crédit carbone est, dans ce cadre, un mécanisme financier d’incitation visant à la conversion technologique vers des modes de production « plus propres ». Des quotas d’émissions (cape) sont fixés par les gouvernements et les Nations Unis et ne peuvent être dépassés. Quand une entreprise ou une institution ne réduit pas ses émissions et se trouve au delà du seuil qui lui est accordé, elle doit acheter des crédits et ce, au prix du marché conditionné par l’offre et la demande. L’échange se fait auprès d’autres entreprises qui disposent d’excédents de droits à polluer ou selon les mécanismes mis en place par Kyoto. Les crédits vendus sont alors issus des mécanismes de développement propre (MDP) et des projets de réduction des émissions de CO2, notamment dans les pays en développement. Ainsi, l’idée sous-jacente pourrait être que, tout en motivant les pays industrialisés à réduire leurs émissions, il s’opère un soutien financier aux pays du sud pour leur développement durable. Disons qu’il s’agit là d’une idée un peu sommaire… dans la réalité du monde spéculatif que l’on connaît, il pourrait bien en être tout autrement.

L’efficacité d’une telle procédure, pour autant qu’on y adhère et à l’instar de tout mécanisme de marché, dépend des volumes échangés et des valeurs de l’échange. Si cette bourse du carbone connaît une très forte progression (1), le marché est pour le moins fluctuant. Subissant les aléas de la crise financière et la réduction de l’activité industrielle de ces derniers mois, le prix de la tonne de carbone échangée en Europe est passé de 30 € en juin 2008 à 9,20 €/t en février 2009. A ce prix là, les pollueurs ont de quoi hésiter avant de faire de lourds investissements dans les énergies nouvelles. Devant de telles variations de prix, ils ont également de quoi réfléchir avant d’établir des stratégies à long terme. Et, évidemment, cette fluctuation favorise la spéculation. Les crédits carbone, comme toute valeur, peuvent être achetés, revendus, capitalisés.

Ainsi la question centrale que soulèvent les rapports de Greenpeace et des Amis de la Terre est celle de la régulation. Si l’échange de crédits carbone devait être maintenu (ce qui est par ailleurs discuté par certaines associations environnementales qui lui préfèrent de loin le principe de taxe carbone), les ONG considèrent que son efficacité est conditionnée par la mise en place de règles strictes encadrant les marchés financiers, jusqu’à, peut être, un prix fixe pour la tonne de carbone.

Vers des subprimes carbone ?

Tirant les leçons de la crise économique actuelle, le rapport établi par les Amis de la Terre met en évidence les risques financiers du marché carbone et fait un parallèle direct avec l’affaire des subprimes de l’immobilier. Sans plus de contrôle, des crédits carbone pourraient être vendus sur la base de projets de réduction ou de séquestration du CO2 incomplets, en d’autre terme sans garantie. S’avérant quelques années plus tard inopérants pour la réduction des émissions, les crédits « à risque » pourraient perdre beaucoup de valeur. Revendus alors sur les marchés secondaires à bas prix, c’est l’effondrement du cours de la tonne carbone et, du même coup, la lutte contre le changement climatique passe à la trappe.

Avançant le même genre de critiques, le rapport de Greenpeace attire quant à lui l’attention sur les mécanismes du REDD (2) et les crédits carbone obtenus via des programmes de lutte contre la déforestation. D’après Greenpeace, la protection des forêts est relativement bon marché et il existe un risque que les compensations carbone obtenues avec ce type d’opérations ne diluent la valeur de tous les crédits. D’après les estimations, mettre sur le marché les crédits forestiers pourrait faire baisser de 75 % le prix de la tonne carbone. Mêmes effets dans la lutte contre le changement climatique : minimes.

Alors, que préconisent au fond ces deux grandes ONG ? Tout d’abord, de « ne pas mettre ses œufs dans le même panier ». Si de nombreux décideurs internationaux considèrent que le cape-and-trade est l’unique moyen de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, les Amis de la Terre invitent à l’inverse à développer plusieurs stratégies complémentaires. Pour Greenpeace, le crédit carbone devrait de toute façon être alloué en priorité au développement de technologies propres. Mais les deux ONG attendent avant tout de la part des institutions internationales et des gouvernements une véritable régulation d’un marché carbone qui, décidément, promet tout et n’importe quoi.

Elisabeth Leciak

1- La Banque Mondiale annonçait des échanges sur ce marché à hauteur de 550 millions de tonnes d’équivalent carbone en 2007, pour une valeur de 47 milliards d’euros, le double par rapport à 2006.

2- REDD : Reducing emissions from deforestation and degradation

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Le drapeau du réchauffement climatique

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A chaque vague de froid hivernal, les climatosceptiques sont de sortie : le pare-brise de leur voiture est recouvert de givre, ce qui serait donc la preuve irréfutable que le réchauffement climatique est une invention destinée à servir les intérêts d’on ne sait quelle organisation mondiale secrète. Bref, « on » nous ment.

Evidemment, ces personnes font en réalité une confusion entre la météo et le climat. La météo s’apprécie à un instant t, dans un endroit donné. Il y a tout juste un mois par exemple, la Corse connaissait un épisode neigeux surprenant. Un phénomène étonnant, certes, mais qui ne traduit pas pour autant un refroidissement de la planète. Ici, nous parlons de météo. En revanche, lorsque durant tout le XXe siècle, les relevés de température partout sur la planète augmentent de 0,6°C, on peut parler d’une tendance au réchauffement climatique global, malgré des épisodes ponctuels météorologiques comme celui vécu par les Corses il y a quelques semaines.

Comment illustrer ce phénomène simplement, le plus simplement possible, pour pouvoir facilement l’expliquer aux plus sceptiques d’entre nous ? Ed Hawkins, climatologue et professeur de science du climat à l’Université de Reading au Royaume-Uni, a imaginé une méthode de modélisation ludique du changement global : la création, pour chaque pays, d’un drapeau de son réchauffement.

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 Le réchauffement mondial illustré

Le chercheur s’est appuyé sur une base de données mondiale qui compile tous les relevés de température effectués partout sur la Terre depuis 1901. Lors du XXe siècle, il a calculé la moyenne des températures pour chaque région du globe puis, pour chaque année (et en fonction de la moyenne précédemment établie), il a attribué une couleur : du bleu très clair (conforme à la moyenne du XXe siècle) au rouge très foncé (qui traduit une hausse marquée par rapport à cette même moyenne). Chaque année est alors représentée par une bande, bandes qui sont accolées les unes aux autres pour créer le « drapeau du réchauffement » de chaque zone du globe, qui sont tous consultables sur https://showyourstripes.info/

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Le drapeau du réchauffement en France

Le résultat est accablant. Quel que soit le pays ou la région du monde que l’on sélectionne, le résultat est similaire : bleuté à gauche et rouge vif à droite, traduisant une sévère agitation de tous les thermomètres du monde, et prouvant par-là même le réchauffement climatique.

Plus simple, c’est impossible : Donald T., si tu nous lis…

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Le taux de CO2 intègre la météo britannique

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Cela n’a l’air de rien, quelques centimètres carré de rien du tout dans un journal qui compte des dizaines de pages, mais cela s’apparente pourtant à une révolution : depuis une dizaine de jours, le Guardian, l’un des quotidiens britanniques les plus réputés, propose à ses lecteurs la concentration en CO2 dans notre atmosphère au sein de son encart « météo ». Mais pas la concentration du Grand Londres non, la concentration mondiale telle qu’elle est mesurée quotidiennement à Hawaii, à l’observatoire de Mauna Loa. Là-bas, au coeur du Pacifique, le taux de CO2 y est mesuré depuis 1958. A l’époque, il s’établissait à 315 parties par million (ppm), encore loin du seuil considéré comme « gérable à long terme » de 350 ppm.

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Seulement voilà, depuis, l’activité humaine n’a cessé de croître, de même que notre recours aux énergies fossiles, avec un résultat largement prévisible : le taux de CO2 atmosphérique est désormais de 412 ppm, largement au-dessus des 350 ppm « gérables », supérieur à 2013 (400 ppm), et à mille lieues des 280 ppm estimées à l’ère pré-industrielle. Dans des paroles rapportées par Le Monde, la rédactrice en chef du Guardian justifie ce choix éditorial inédit :

« Les niveaux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère ont augmenté de façon si spectaculaire. Inclure une mesure de cette augmentation dans notre bulletin météorologique quotidien montre ce que l’activité humaine fait à notre climat. Il faut rappeler aux gens que la crise climatique n’est plus un problème d’avenir. Nous devons nous y attaquer maintenant, et chaque jour compte. »

En présentant chaque jour à ses millions de lecteurs une donnée scientifique incontestablement liée au changement climatique, The Gardian entend ne pas perdre de vue l’ambitieux objectif mondial de réduction de moitié des émissions de CO2 d’ici 2030, pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré. Ne soyons pas pessimistes bien sûr, mais il faut bien reconnaître que cela semble bien mal parti.

Au fait, à quand un journal français qui reprendrait la démarche du Guardian ?

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Game of Thrones : Réchauffement climatique is coming

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Cette nuit, Game of Thrones, la série phénomène, a repris après deux ans d’absence pour présenter son ultime saison. Sept épisodes que plus d’un milliard de personnes (si l’on en croit les chiffres qui concernent les visionnaires illégaux sur internet à chaque épisode) vont s’empresser de dévorer et de commenter pour enfin obtenir une réponse à cette question qui les taraude depuis 2011 et la diffusion du premier épisode de la série : Qui finira donc par prendre place sur le Trône de fer pour gouverner les Sept royaumes ?

Sans attendre la diffusion, des dizaines de théories ont été développées par des fans plus ou moins sérieux et, parmi celles-ci, une semble avoir retenu l’attention du Gouvernement. Cette théorie voudrait que la série soit en fait une métaphore de notre réalité et de notre attitude vis à vis des dangers environnementaux qui pèsent sur nous, au premier rang desquels le réchauffement climatique. « Winter is coming » (ou « l’Hiver arrive »), la plus célèbre réplique de la série, qui annonce l’arrivée imminente d’une intense période glaciaire accompagnée d’innombrables malheurs pour nos personnages préférés, préviendrait en fait contre le réchauffement climatique. Et la lutte de pouvoir des maisons Stark, Targaryen, Lannister pour accéder au mythique Trône de fer plutôt que de se préoccuper de la menace approchant, les Marcheurs Blancs, serait une parabole de la propension de nos dirigeants à ne pas voir plus loin que le bout de leur nez et à favoriser des intérêts particuliers paraissant bien ridicules face aux enjeux globaux qui s’annoncent.

Brune Poirson, ministre de la Transition écologique et solidaire, et ses équipes semblent avoir bien intégré cette théorie, au point que la ministre propose depuis hier, veille de reprise de la série, et alors que l’excitation médiatique est au summum, une vidéo inspirée de Game of Thrones, et mettant en garde contre le réchauffement climatique. Sur des images de la série, la responsable politique pose sa voix : « Une grande menace pèse sur l’humanité. Certains en doutent, on peut le regretter. Même si les hivers peuvent paraître un peu plus rigoureux, un peu plus froids à certains endroits, il y en a d’autres où ce n’est pas le cas. Nous devons nous battre, nous battre pour endiguer cette menace qui monte et nous unir tous pour lutter contre le vrai mal, le seul qui doit unir l’humanité : le réchauffement climatique ». Et en guise de conclusion, l’accroche « Le réchauffement climatique is coming », écrit dans la police propre au show américain.

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 Succès garanti sur les réseaux sociaux. Et dans les comportements quotidiens futurs ?

Photo : Compte Twitter de Brune Poirson

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