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INTERVIEW

Philippe Catinaud du Biau Germe

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Producteur de semences biologiques au Biau Germe (décembre 2005)

Univers-nature – A l’inverse de l’agriculteur « classique » d’aujourd’hui, vous cultivez les paradoxes, tant dans votre parcours professionnel que dans l’approche de votre métier. Pouvez-vous nous faire un rapide historique afin de nous permettre de mieux appréhender vos choix actuels.

Philippe Catinaud - J’ai fait des études d’ingénieur agronome à Rennes et en 1984 j’ai passé mon mémoire de fin d’études sur les agricultures différentes…
Après un emploi très instructif de conseiller de gestion dans la Marne jusqu’en 1989, nous avons décidé en couple de venir dans le sud-ouest pour rejoindre une des communautés de l’Arche de Lanza del Vasto (communauté inspirée de Gandhi avec pour base la recherche de la Non-Violence & l’écoute de chacun dans sa tradition religieuse).
En 1999, alors que nous fermions la communauté, nous nous sommes engagés complètement dans l’équipe du Biaugerme, groupement de producteurs commercialisant en commun leurs graines biologiques.

Aujourd’hui, à 44 ans, mariés, avec 3 enfants (20, 18 et 6 ans), nous sommes agriculteurs  sur la commune de Montpezat d’Agenais (Lot & Garonne).

Univers-nature – Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre production et le mode de culture que vous avez adopté ?

Philippe Catinaud - Sur une surface totale de 8,5 ha, nous avons 3,5 ha de terres labourables dont 1 ha de cultures maraichères pour la semence (notre jardin).  Nous avons aussi 0,5 ha de vergers divers (figuiers, pommiers, poiriers, pruniers, vigne…) et 4 ha sont paturés par nos 4 animaux: 2 vaches et 2 juments pour le travail du sol.

Notre activité principale est la production de graines: nous cultivons environ 70 variétés de légumes, condimentaires et fleurs. Nous ne cherchons pas la production maximale mais développons au contraire l’adaptation des plantes aux conditions naturelles: aucun traitement, si possible; apport d’eau limité (sauf au semis et en fin de culture) pour obliger la plante à se nourrir elle-même… Une part importante de notre travail consiste en la sélection des variétés: élimination des individus hors type (séléction massale négative), détermination de ceux qui serviront de parents pour la production de l’année suivante (sélection massale positive). Les critères sont multiples: critères variétaux, résistance aux maladies, saveur des légumes, homogénéïté ou variabilité,….

Le sol n’est pas un support inerte, nous le considérons comme un milieu vivant qu’il faut accompagner. Nous avons la chance d’être dans une région d’argiles lourdes et profondes. Ce sont des sols riches mais difficiles à travailler. Par exemple, nous essayons de favoriser la circulation de l’eau en le travaillant en profondeur avant les pluies d’automne-hiver et en évitant de le soumettre à des tassements intempestifs en conditions limites. C’est la raison d’être des chevaux qui travail le sol au printemps.

Nous pratiquons une rotation sur les terres labourables: le jardin change de place tous les 3 ans, les autres parcelles suivent une rotation triénale:  blé, orge ou culture secondaire, engrais vert (jachère).

De même, nous faisons des apports de fumier, non comme intrants pour les plantes mais pour augmenter la teneur en matière organique, base de la vie du sol. Ce seront peut-être les générations suivantes qui auront le fruit de ce travail mais jusqu’au début du XX°s tous les paysans faisaient ainsi.

En dehors des graines, notre objectif est une forme d’autonomie: nous essayons au maximum de produire nos besoins alimentaires.

Univers-nature – Votre relation avec le sol semble très forte, peut-on parler d’équipe ?

semencier jardin bioPhilippe Catinaud - Equipe, oui, mais pas seulement avec le sol: sa faune, sa flore, le climat, les végétaux indigènes (adventices), les prédateurs …

Pour aller plus loin, cette question m’évoque un proverbe indien d’Amérique du Nord: « La Terre [ne nous appartient pas], ce sont nos enfants qui nous la prêtent ». Nous sommes tous passants et pélerins… Je pense aussi aux Kogis, ce peuple précolombien asphixié par son « petit frère », qui lance actuellement un cri d’alarme pour la survie de la Terre. La Terre est sacrée et nous lui devons le respect. Nous devons penser à arrêter de la souiller sinon c’est notre propre tombe que nous creusons.

Univers-nature – A l’aube du XXIème siècle, alors que des millions de personnes ne mangent pas à leur faim, ce respect pour la Terre et ses cycles n’est-il pas un peu d’un « autre monde » ?

Philippe Catinaud - Je ne sais pas. J’évoque ici ce qui m’anime et je fais, moi aussi, parti des « petits frères » avec tous les compromis que cela implique. Je me garderai donc bien de juger mais pour moi la faim dans le monde est plutôt une question de choix de société. Tant qu’il y aura des grandes exploitations tournées vers les cultures d’exportation, pour apporter des devises ou rembourser le FMI…, au détriment de la majorité des paysans qui ne peuvent plus assumer les cultures vivrières, des millions de personnes ne mangeront pas à leur faim. Bien d’autres sujets pourraient être évoqués, comme le fait que notre agriculture est énergétivore et gaspille les richesses mondiales à l’exemple du soja importé d’amérique pour engraisser les animaux que nous mangeons…

René Dumont, dans l’Afrique noire est mal partie, en faisait déjà le constat dès 1962 !

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Energie

Interview : le concept Ecowatt pour lisser les pics de consommation

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Des éco-gestes simples sont à adopter pour éviter les pics de consommation

Des éco-gestes simples sont à adopter pour éviter les pics de consommation

ÉcoWatt Bretagne est une démarche éco-citoyenne et gratuite qui a pour objectif d’inciter les bretons à modérer leur consommation d’électricité, en particulier en hiver, le matin et entre 18h et 20h. Sandrine Morassi, responsable de la communication répond aux questions d’Univers Nature.

1/ Pouvez-vous nous présenter le concept d’Ecowatt ?

Le dispositif ÉcoWatt déclenche des alertes lors des périodes à risques, dans l’esprit des journées vertes, orange ou rouges de Bison futé, afin d’inviter tous les bretons à pratiquer les bons gestes énergie.
Pour recevoir gratuitement ces alertes (par mail, sms, appli mobiles…) et ainsi procéder aux Eco’gestes, il suffit de s’inscrire depuis le site internet dédié : www.ecowatt-bretagne.fr
Aujourd’hui, la démarche compte plus de 50 000 inscrits.

2/ Comment a t-il vu le jour ? Ce dispositif peut-il être étendu aux autres régions françaises ?

La démarche ÉcoWatt Bretagne a été initiée en novembre 2008 par RTE (Réseau de Transport d’Electricité), et ses partenaires (la Préfecture de Région Bretagne, le Conseil régional de Bretagne, ERDF et l’ADEME), pour répondre aux risques de coupures d’électricité en Bretagne, lors des pics de consommation.
Ce dispositif a été mis en place en raison de la fragilité électrique que connaît la Bretagne. En effet, avec une croissance de la consommation électrique supérieure à la moyenne nationale, la Bretagne est dans une situation fragile : véritable péninsule électrique, la région est située en « bout de réseau », l’électricité devant être acheminée sur de longues distances depuis les centrales principalement situées dans la vallée de la Loire. La production est par ailleurs loin de couvrir tous les besoins, la région ne produisant que 11% de l’électricité qu’elle consomme. Dans ce contexte, les risques de coupures peuvent survenir, lors des pointes de consommation en hiver, notamment en cas d’incident sur un moyen de production ou sur le réseau électrique.
Aujourd’hui, il existe en Bretagne et en région PACA (www.ecowatt-paca.fr), les deux seules régions en France qui connaissent une situation de péninsule électrique.

3/ Le but est de lisser les pics de consommation ? Comment cela fonctionne ?
Les risques de coupure interviennent lors des pics de consommation en hiver, qui ont lieu en Bretagne le matin et le soir (entre 18h et 20h). L’enjeu est donc d’inviter les bretons à procéder aux bons gestes sur ces instants, afin de contribuer à baisser ces pointes et donc à lisser la courbe de consommation sur la journée.

4/ Quels sont les résultats dont vous disposez sur les précédentes éditions ?

A titre d’exemple, nous avons pu évaluer que, lors de la vague de froid de février 2012, les effets des gestes des inscrits durant les 7 jours de froid, se sont traduits par une réduction de la consommation qui a pu atteindre jusqu’à 2 à 3% aux heures les plus chargées, l’équivalent de la consommation cumulée des villes de Quimper, Saint-Malo et Vannes.

5/ Quelles sont les principales actions que les particuliers peuvent mettre en place pour réduire leur consommation électrique ?

Pour réduire la consommation lors des pics, il existe des gestes simples à mettre en place à la maison ou sur le lieu de travail : il s’agit par exemple d’éviter pendant le temps de l’alerte d’utiliser la machine à laver, le lave-vaisselle ou le four ; pour le chauffage électrique, de baisser le thermostat…

6/ Quel rôle peuvent jouer les énergies renouvelables dans ce système ? Quelle part représentent les énergies renouvelables au niveau régional ?

Le déclenchement d’une alerte EcoWatt dépend des prévisions de consommation réalisées par RTE, à partir de plusieurs paramètres : consommation, production, disponibilité du réseau, météo. La production émise par les énergies renouvelables est donc prise en compte. Toutefois, du fait de son intermittence, cette production est plus difficilement prévisible qu’une production classique. Aujourd’hui, RTE dispose d’un outil IPES (Insertion de la Production Eolienne et photovoltaïque sur le Système). Installé dans les dispatchings (les « tours de contrôle de l’électricité »), cet outil permet de disposer d’une prévision de production éolienne et photovoltaïque heure par heure pour la journée en cours et le lendemain, en fonction des prévisions de vent et d’ensoleillement.

La production des énergies renouvelables en Bretagne en 2012 représentait 89% de la production totale d’électricité en Bretagne.

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Habitat

Interview avec Vidal Benchimol, auteur de « Vers un nouveau mode de ville»

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Le quartier BedZED à Londres, un des premiers écoquartiers européens.

Le quartier BedZED à Londres, un des premiers écoquartiers européens. Une nouvelle forme d’habitat qui se développe.

En 2007, dans un contexte de crise écologique et économique, Vidal Benchimol conçoit les « Écofaubourgs », un concept d’habitat collectif écologique. Il vient de publier l’ouvrage « Vers un nouveau mode de ville », aux Éditions Alternatives, co-écrit avec Stéphanie Lemoine qui souhaite dresser un état des lieux des tendances et un inventaire des pratiques contemporaines de la fabrique de la ville.

Votre livre s’appelle vers un nouveau mode de ville, quel est selon vous le visage de la ville contemporaine ?

En Europe, la ville contemporaine est en pleine transformation. Les élus et les urbanistes voient bien que les modèles d’aménagement fondés sur la séparation des fonctions urbaines (on mange d’un côté, on travaille ailleurs, etc.), et qui ont prévalu ces cinquante dernières années, ne marchent pas. Il faut inventer autre chose ! C’est ce à quoi s’emploie l’urbanisme durable, qui cherche à rendre la ville plus compacte, plus économe en ressources et plus solidaire

Quelles sont les principales mutations (habitat, mobilité, mode de consommation) qu’opère la ville depuis quelques décennies ? En quoi la ville évolue à l’aune des problématiques environnementales ?
Les transformations les plus visibles ces dernières années sont liées à la nécessité de maîtriser l’énergie. Dans le bâtiment, cela se traduit par l’adoption de réglementations thermiques plus contraignantes. Depuis l’an dernier, la RT 2012 oblige ainsi les maîtres d’ouvrage à concevoir des bâtiments 4 fois plus performants qu’un immeuble haussmannien. De la même manière, les métropoles cherchent de plus en plus à encourager les alternatives à la voiture, que ce soit via l’offre de transports en commun et de vélos en libre service ou l’aménagement de zones 30. L’objectif est de grignoter petit à petit l’espace dévolu à la voiture, en vue d’un meilleur partage modal.

Quels sont les principaux défis qui attendent la ville actuelle pour devenir « durable » ?
L’adaptation au changement climatique, avec ce qu’elle implique d’incertitude, est l’un des premiers défis auxquels doit s’affronter la ville contemporaine. Pour y faire face, les villes ont tout intérêt à devenir résilientes : elles doivent diversifier leurs modes de production, leur approvisionnement, et apprendre à compter sur les ressources locales. D’où les projets d’agriculture urbaine qui fleurissent un peu partout, mais aussi l’essor des circuits courts et de la consommation collaborative…

Selon vous, quelles sont les initiatives actuelles les plus pertinentes pour la fabrique de l’espace urbain ?
Toutes celles qui s’opposent à l’aménagement « autoritaire » de la ville, et conçoivent l’écologie urbaine en relation étroite avec la démocratie locale. Si la fabrique de l’espace urbain n’est pas le fruit d’une négociation, et même pourquoi pas d’un conflit fécond entre décideurs et citoyens,  elle a peu de chance de déboucher sur un cadre de vie vraiment durable.  A cet égard, l’exemple des écoquartiers nord-européens est édifiant : ceux qui parviennent le mieux à concilier qualité de vie et économie de ressources sont nés d’une implication forte de leurs habitants, et parfois d’un bras de fer corsé avec la municipalité…

Quels sont les freins actuels au développement de la ville durable ?
Ils sont nombreux ! La crise économique, qui a partiellement détourné les citoyens des enjeux écologiques, en est un. Certains voient pourtant dans cette crise une conséquence de nos choix énergétiques. La ville contemporaine est aussi de plus en plus clivée socialement. Dans ces conditions, la mixité sociale, même avec ce qu’elle a de compliqué à mettre en œuvre, devient un véritable enjeu…

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Habitat

« On ne peut plus construire aujourd’hui comme il y a quelques années ou décennies »

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Projet " Modulife" d'habitat économe en énergie. Crédit : Philippe Bovet

Projet « Modulife » d’habitat économe en énergie. Crédit : Philippe Bovet

Olivier Silder et Philippe Bovet, deux spécialistes de l’énergie et de l’habitat viennent de publier l’ouvrage «  Bâtiments performants. Des constructeurs relèvent le défi du réchauffement climatique » aux éditions Terre Vivante. Philippe Bovet a répondu aux questions d’Univers Nature sur l’enjeu que représente l’habitat dans la transition énergétique.

1/ Qu’est ce qui vous a motivé à écrire cet ouvrage ?

D’abord la rencontre avec Olivier Sidler, un des énergéticiens les plus compétents d’Europe et un excellent pédagogue pour toutes ces questions énergétiques. Ensuite connaître ces décideurs qui ont compris que la donne énergétique avait changé et qu’on ne peut plus construire aujourd’hui comme il y a quelques années ou décennies.

2/ Sur quels critères avez-vous sélectionné les bâtiments ?

Des critères essentiellement géographiques, afin que nous n’ayons Olivier et moi-même peu à nous déplacer. Tous les entretiens ont eu lieu dans un triangle Paris-Valence-Mulhouse. Olivier habite dans la Drome et moi à Bâle. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’exemples intéressants en Bretagne ou à Toulouse, mais pour nous cela évitait des déplacements inutiles et nous permettaient aussi d’être cohérents en matière d’énergie et de transports.

3/Quels sont les freins actuels à lever pour favoriser la transition énergétique dans ce secteur ?

Comme je l’explique dans l’introduction, la forte inertie des mentalités entraine une certaine difficulté pour mettre en place le changement. Aussi, on relève des freins réglementaires comme la garantie décennale (qui protège pendant 10 ans après la livraison l’acquéreur contre tout vice de construction) qui opère comme un frein à l’innovation, des freins liés à à la formation et au manque de compétences de certains corps de métiers ainsi que des difficultés de financement.

4/ Quel projet a particulièrement retenu votre attention ? Pourquoi ?

Tous sont intéressants car différents. De la maison individuelle rénovée à l’immeuble neuf de bureaux à énergie positive de la ZAC de Bonne. Cette diversité montre qu’un changement est possible dans tous les secteurs du bâti et rapidement si on le veut et si on s’en donne la peine.

5/ En moyenne, quel est le surcoût pour construire des bâtiments basse consommation ?

On doit ne pas parler de surcoût, mais de surinvestissement, mais avoir ensuite des factures énergétiques plus faibles. Il y a de multiples surcoûts acceptés et jamais remis en cause, comme les places de parkings en grande partie inutile dans les centres urbains bien desservis par les transports en commun. Ou encore une entrée d’immeuble en marbre, alors que d’autres matériaux peuvent être choisis. Et au delà, le dérèglement climatique nous oblige à agir. Quand quelqu’un se noie et qu’on doit lui jeter une bouée, on ne discute pas du prix de celle-ci.

 6/ C’est quoi pour vous un bâtiment intelligent ?

C’est avant tout un bâtiment low-tech (et non high-tech) performant. Il ne faut empiler les systèmes énergétiques et avoir des bâtiments complexes.

7/ La prochaine RT 2020 qui généralisera le Bepos est-elle une réponse suffisante pour atteindre les objectifs de réduction de CO2 fixés par la France ?

Absolument pas puisque nous émettons du CO2 selon 4 axes: l’habitat, les transports, les achats et les déchets. Le bâtiment n’est donc qu’un des 3 secteurs. De plus le bâtiment neuf ne représente qu’1% du parc annuel de logement mis en chantier, il faut absolument s’attaquer à la rénovation du parc existant.

 

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