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INTERVIEW

Philippe Catinaud du Biau Germe

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Univers-nature – Agriculture énergivore, mais également gouffre à subvention…
A ce sujet, comment peut-on vivre avec seulement 8,5 ha, alors que, partout en France, c’est la course à des exploitations de plus en plus importantes pour toujours plus de rentabilité ?

Philippe Catinaud - Tout est relatif: pour une exploitation beauceronne, 8,5 ha est microscopique, par contre pour un maraîcher ne pratiquant que des cultures sous serres, c’est énorme. Donc la taille, en elle même n’est pas un critère absolu, cela dépend de ce que l’on fait. Ce qui m’oppose le plus à l’agriculture industrielle c’est la diversité de mes productions: des prairies, des terres labourables, des vergers… Autre critère: la volonté d’avoir une relation directe avec le jardinier ou le maraîcher qui achètent nos semences. Cela permet de valoriser beaucoup mieux nos produits: la marge commerciale n’est pas prise par de nombreux intermédiaires.
Biau Germe Mais il ne faut pas rêver, ce genre de métier se pratique par idéal et pour une certaine qualité de vie, pas pour faire de l’argent…

A propos des subventions, j’aimerais faire remarquer l’évolution de la part de l’alimentation dans le budget moyen des familles. Je n’ai plus les chiffres en tête mais je pense que jusqu’en 1900 cette part se situait entre 60 et 80 %, pour sûrement moins de 10%, aujourd’hui, pour les même produits alimentaires de base. Comprenons que la société de consommation n’a pu se développer que grâce à cette réduction lié à 2 facteurs: les gains de productivité agricole et la baisse sensible des prix à la production, avec toutes les dérives actuelles…

Univers-nature – Vous avez participé à des arrachages de culture d’OGM, pourquoi ?

Philippe Catinaud - Les organismes génétiquement modifiés sont une des dérives actuelles. Aujourd’hui, 5 firmes contrôlent 90% des OGM, qui sont à 99% des OGM herbicides et/ou insecticides. Quatre plantes sont principalement concernées en représentant environ 60 millions d’hectares de culture, et en particulier le soja avec 51% de la production mondiale transgénique. A la base, les OGM reposent sur une vision réductionniste de la science: un gène -> une protéine -> une fonction, or les 20 dernières années ont montré aux chercheurs que le vivant était beaucoup plus complexe qu’on ne le croyait. Dans ces conditions, bombarder des cellules avec des séquences d’ADN issues d’organismes totalement différents pour ensuite multiplier à grande échelle les produits obtenus afin d’ensemencer une part non négligeable des terres cultivables mondiales, sans se préoccuper des conséquences relèvent de l’inconscience totale.

A ce sujet, l’exemple de la pampa argentine est édifiant. Depuis 1997, le soja OGM y est cultivé et tend à supplanté les autres cultures (en 2002, il représente 50% des terres labourables). Il s’agit d’une variété résistante au glyphosate, un herbicide devant normalement permettre de supprimer toutes les plantes indésirables dans les champs de soja. Or, dès 2001, on constatait, après 2 ou 3 ans de diminution, une ré-augmentation de la quantité des herbicides utilisés jusqu’à 2 fois plus qu’un soja ordinaire. De plus les produits utilisés sont beaucoup plus toxiques car, employé massivement, les adventices ont développé une résistance au glyphosate. On assiste actuellement à un empoisonnement des sols: la flore bactérienne a tellement été modifiée que, dans certaines exploitations, il est nécessaire de débarrasser la terre de la végétation morte qui n’est plus dégradée… et a un empoisonnement des animaux (mises bas de petits mort-nés,…) et des hommes (maux de têtes, brulures, allergies,…) suite à l’emploi d’herbicides trop puissants.

Nous devrions faire un ensemble d’étude sur l’impact des OGM sur l’environnement, la santé et non seulement sur sa valeur agronomique à court terme comme c’est le cas actuellement en France. Une certaine prise de conscience se fait jour comme le prouve le traité de Cartagène qui préconise un principe de précaution; mais on est loin d’un vrai débat sur la question: les pouvoirs publics font la sourde oreille et montrent des signes de complaisance à l’égard des grandes firmes phytosanitaires, comme le dénoncent les apiculteurs, la confédération paysanne et Philippe de Villiers dans le cas du fipronyl.

Dans ces conditions, participer à un fauchage à main nue d’une parcelle contenant un essai OGM puis faire une déposition en gendarmerie constitue pour moi un acte citoyen et je suis heureux que le tribunal correctionnel de Toulouse nous reconnaisse comme co-auteurs de ce fauchage.

Univers-nature – Certes… mais à l’échelle de la planète les OGM gagnent du terrain et représentent déjà une surface non-négligeable, alors cet acte citoyen n’est-il pas le remake du combat d’un célèbre petit village gaulois qui résiste encore et toujours à l’envahisseur romain, mais maintenant sans potion magique…

Philippe Catinaud - OGM/petit village gaulois: la liaison est facile … et la médiatisation délicate: Il est souvent dit ou écrit « José Bové et ses amis », alors que le collectif des faucheurs volontaires regroupe un ensemble de citoyens suffisament autonomes pour être chacun responsable de ses actes. S’il y a des éléments moteurs dans ce collectif, José n’est pas le seul. Par exemple c’est Jean-Baptiste Libouban, ancien Pélerin des communautés de l’Arche de Lanza del Vasto qui en est l’initiateur. D’autre part, José est pour moi loin de la caricature que les médias ont faite de lui et beaucoup plus humain.

Que dire de notre combat ? Bien sûr, nous sommes parfois à l’image de Don Quichotte, et l’espérance peut se transformer en déception profonde: Pour moi, ce fut le cas dans la lutte contre le nucléaire. Quand finirons-nous d’utiliser la fission nucléaire à taille industrielle ? Beaucoup trop tard par rapport aux déchets que des milliers de générations de nos descendants auront à gérer. Bien au delà de l’effet de serre car invisible aujourd’hui, une étape a été franchie dans la destruction de la planète, et une 2ème se joue avec les OGM déjà fortement implantés comme vous le faites remarquer. Si rien n’est fait bientôt une 3ème va arriver avec les nanotechnologies. Nous allons vivre (ou vivons-nous déjà ?) dans un vaisseau poubelle. L’enjeu est de taille: soit la loi du commerce prime, soit les citoyens de la Terre arrivent à infléchir la trajectoire de ce train lancé à toute allure vers le précipice…

 

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Energie

Interview : le concept Ecowatt pour lisser les pics de consommation

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Des éco-gestes simples sont à adopter pour éviter les pics de consommation

Des éco-gestes simples sont à adopter pour éviter les pics de consommation

ÉcoWatt Bretagne est une démarche éco-citoyenne et gratuite qui a pour objectif d’inciter les bretons à modérer leur consommation d’électricité, en particulier en hiver, le matin et entre 18h et 20h. Sandrine Morassi, responsable de la communication répond aux questions d’Univers Nature.

1/ Pouvez-vous nous présenter le concept d’Ecowatt ?

Le dispositif ÉcoWatt déclenche des alertes lors des périodes à risques, dans l’esprit des journées vertes, orange ou rouges de Bison futé, afin d’inviter tous les bretons à pratiquer les bons gestes énergie.
Pour recevoir gratuitement ces alertes (par mail, sms, appli mobiles…) et ainsi procéder aux Eco’gestes, il suffit de s’inscrire depuis le site internet dédié : www.ecowatt-bretagne.fr
Aujourd’hui, la démarche compte plus de 50 000 inscrits.

2/ Comment a t-il vu le jour ? Ce dispositif peut-il être étendu aux autres régions françaises ?

La démarche ÉcoWatt Bretagne a été initiée en novembre 2008 par RTE (Réseau de Transport d’Electricité), et ses partenaires (la Préfecture de Région Bretagne, le Conseil régional de Bretagne, ERDF et l’ADEME), pour répondre aux risques de coupures d’électricité en Bretagne, lors des pics de consommation.
Ce dispositif a été mis en place en raison de la fragilité électrique que connaît la Bretagne. En effet, avec une croissance de la consommation électrique supérieure à la moyenne nationale, la Bretagne est dans une situation fragile : véritable péninsule électrique, la région est située en « bout de réseau », l’électricité devant être acheminée sur de longues distances depuis les centrales principalement situées dans la vallée de la Loire. La production est par ailleurs loin de couvrir tous les besoins, la région ne produisant que 11% de l’électricité qu’elle consomme. Dans ce contexte, les risques de coupures peuvent survenir, lors des pointes de consommation en hiver, notamment en cas d’incident sur un moyen de production ou sur le réseau électrique.
Aujourd’hui, il existe en Bretagne et en région PACA (www.ecowatt-paca.fr), les deux seules régions en France qui connaissent une situation de péninsule électrique.

3/ Le but est de lisser les pics de consommation ? Comment cela fonctionne ?
Les risques de coupure interviennent lors des pics de consommation en hiver, qui ont lieu en Bretagne le matin et le soir (entre 18h et 20h). L’enjeu est donc d’inviter les bretons à procéder aux bons gestes sur ces instants, afin de contribuer à baisser ces pointes et donc à lisser la courbe de consommation sur la journée.

4/ Quels sont les résultats dont vous disposez sur les précédentes éditions ?

A titre d’exemple, nous avons pu évaluer que, lors de la vague de froid de février 2012, les effets des gestes des inscrits durant les 7 jours de froid, se sont traduits par une réduction de la consommation qui a pu atteindre jusqu’à 2 à 3% aux heures les plus chargées, l’équivalent de la consommation cumulée des villes de Quimper, Saint-Malo et Vannes.

5/ Quelles sont les principales actions que les particuliers peuvent mettre en place pour réduire leur consommation électrique ?

Pour réduire la consommation lors des pics, il existe des gestes simples à mettre en place à la maison ou sur le lieu de travail : il s’agit par exemple d’éviter pendant le temps de l’alerte d’utiliser la machine à laver, le lave-vaisselle ou le four ; pour le chauffage électrique, de baisser le thermostat…

6/ Quel rôle peuvent jouer les énergies renouvelables dans ce système ? Quelle part représentent les énergies renouvelables au niveau régional ?

Le déclenchement d’une alerte EcoWatt dépend des prévisions de consommation réalisées par RTE, à partir de plusieurs paramètres : consommation, production, disponibilité du réseau, météo. La production émise par les énergies renouvelables est donc prise en compte. Toutefois, du fait de son intermittence, cette production est plus difficilement prévisible qu’une production classique. Aujourd’hui, RTE dispose d’un outil IPES (Insertion de la Production Eolienne et photovoltaïque sur le Système). Installé dans les dispatchings (les « tours de contrôle de l’électricité »), cet outil permet de disposer d’une prévision de production éolienne et photovoltaïque heure par heure pour la journée en cours et le lendemain, en fonction des prévisions de vent et d’ensoleillement.

La production des énergies renouvelables en Bretagne en 2012 représentait 89% de la production totale d’électricité en Bretagne.

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Habitat

Interview avec Vidal Benchimol, auteur de « Vers un nouveau mode de ville»

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Le quartier BedZED à Londres, un des premiers écoquartiers européens.

Le quartier BedZED à Londres, un des premiers écoquartiers européens. Une nouvelle forme d’habitat qui se développe.

En 2007, dans un contexte de crise écologique et économique, Vidal Benchimol conçoit les « Écofaubourgs », un concept d’habitat collectif écologique. Il vient de publier l’ouvrage « Vers un nouveau mode de ville », aux Éditions Alternatives, co-écrit avec Stéphanie Lemoine qui souhaite dresser un état des lieux des tendances et un inventaire des pratiques contemporaines de la fabrique de la ville.

Votre livre s’appelle vers un nouveau mode de ville, quel est selon vous le visage de la ville contemporaine ?

En Europe, la ville contemporaine est en pleine transformation. Les élus et les urbanistes voient bien que les modèles d’aménagement fondés sur la séparation des fonctions urbaines (on mange d’un côté, on travaille ailleurs, etc.), et qui ont prévalu ces cinquante dernières années, ne marchent pas. Il faut inventer autre chose ! C’est ce à quoi s’emploie l’urbanisme durable, qui cherche à rendre la ville plus compacte, plus économe en ressources et plus solidaire

Quelles sont les principales mutations (habitat, mobilité, mode de consommation) qu’opère la ville depuis quelques décennies ? En quoi la ville évolue à l’aune des problématiques environnementales ?
Les transformations les plus visibles ces dernières années sont liées à la nécessité de maîtriser l’énergie. Dans le bâtiment, cela se traduit par l’adoption de réglementations thermiques plus contraignantes. Depuis l’an dernier, la RT 2012 oblige ainsi les maîtres d’ouvrage à concevoir des bâtiments 4 fois plus performants qu’un immeuble haussmannien. De la même manière, les métropoles cherchent de plus en plus à encourager les alternatives à la voiture, que ce soit via l’offre de transports en commun et de vélos en libre service ou l’aménagement de zones 30. L’objectif est de grignoter petit à petit l’espace dévolu à la voiture, en vue d’un meilleur partage modal.

Quels sont les principaux défis qui attendent la ville actuelle pour devenir « durable » ?
L’adaptation au changement climatique, avec ce qu’elle implique d’incertitude, est l’un des premiers défis auxquels doit s’affronter la ville contemporaine. Pour y faire face, les villes ont tout intérêt à devenir résilientes : elles doivent diversifier leurs modes de production, leur approvisionnement, et apprendre à compter sur les ressources locales. D’où les projets d’agriculture urbaine qui fleurissent un peu partout, mais aussi l’essor des circuits courts et de la consommation collaborative…

Selon vous, quelles sont les initiatives actuelles les plus pertinentes pour la fabrique de l’espace urbain ?
Toutes celles qui s’opposent à l’aménagement « autoritaire » de la ville, et conçoivent l’écologie urbaine en relation étroite avec la démocratie locale. Si la fabrique de l’espace urbain n’est pas le fruit d’une négociation, et même pourquoi pas d’un conflit fécond entre décideurs et citoyens,  elle a peu de chance de déboucher sur un cadre de vie vraiment durable.  A cet égard, l’exemple des écoquartiers nord-européens est édifiant : ceux qui parviennent le mieux à concilier qualité de vie et économie de ressources sont nés d’une implication forte de leurs habitants, et parfois d’un bras de fer corsé avec la municipalité…

Quels sont les freins actuels au développement de la ville durable ?
Ils sont nombreux ! La crise économique, qui a partiellement détourné les citoyens des enjeux écologiques, en est un. Certains voient pourtant dans cette crise une conséquence de nos choix énergétiques. La ville contemporaine est aussi de plus en plus clivée socialement. Dans ces conditions, la mixité sociale, même avec ce qu’elle a de compliqué à mettre en œuvre, devient un véritable enjeu…

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Habitat

« On ne peut plus construire aujourd’hui comme il y a quelques années ou décennies »

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Projet " Modulife" d'habitat économe en énergie. Crédit : Philippe Bovet

Projet « Modulife » d’habitat économe en énergie. Crédit : Philippe Bovet

Olivier Silder et Philippe Bovet, deux spécialistes de l’énergie et de l’habitat viennent de publier l’ouvrage «  Bâtiments performants. Des constructeurs relèvent le défi du réchauffement climatique » aux éditions Terre Vivante. Philippe Bovet a répondu aux questions d’Univers Nature sur l’enjeu que représente l’habitat dans la transition énergétique.

1/ Qu’est ce qui vous a motivé à écrire cet ouvrage ?

D’abord la rencontre avec Olivier Sidler, un des énergéticiens les plus compétents d’Europe et un excellent pédagogue pour toutes ces questions énergétiques. Ensuite connaître ces décideurs qui ont compris que la donne énergétique avait changé et qu’on ne peut plus construire aujourd’hui comme il y a quelques années ou décennies.

2/ Sur quels critères avez-vous sélectionné les bâtiments ?

Des critères essentiellement géographiques, afin que nous n’ayons Olivier et moi-même peu à nous déplacer. Tous les entretiens ont eu lieu dans un triangle Paris-Valence-Mulhouse. Olivier habite dans la Drome et moi à Bâle. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’exemples intéressants en Bretagne ou à Toulouse, mais pour nous cela évitait des déplacements inutiles et nous permettaient aussi d’être cohérents en matière d’énergie et de transports.

3/Quels sont les freins actuels à lever pour favoriser la transition énergétique dans ce secteur ?

Comme je l’explique dans l’introduction, la forte inertie des mentalités entraine une certaine difficulté pour mettre en place le changement. Aussi, on relève des freins réglementaires comme la garantie décennale (qui protège pendant 10 ans après la livraison l’acquéreur contre tout vice de construction) qui opère comme un frein à l’innovation, des freins liés à à la formation et au manque de compétences de certains corps de métiers ainsi que des difficultés de financement.

4/ Quel projet a particulièrement retenu votre attention ? Pourquoi ?

Tous sont intéressants car différents. De la maison individuelle rénovée à l’immeuble neuf de bureaux à énergie positive de la ZAC de Bonne. Cette diversité montre qu’un changement est possible dans tous les secteurs du bâti et rapidement si on le veut et si on s’en donne la peine.

5/ En moyenne, quel est le surcoût pour construire des bâtiments basse consommation ?

On doit ne pas parler de surcoût, mais de surinvestissement, mais avoir ensuite des factures énergétiques plus faibles. Il y a de multiples surcoûts acceptés et jamais remis en cause, comme les places de parkings en grande partie inutile dans les centres urbains bien desservis par les transports en commun. Ou encore une entrée d’immeuble en marbre, alors que d’autres matériaux peuvent être choisis. Et au delà, le dérèglement climatique nous oblige à agir. Quand quelqu’un se noie et qu’on doit lui jeter une bouée, on ne discute pas du prix de celle-ci.

 6/ C’est quoi pour vous un bâtiment intelligent ?

C’est avant tout un bâtiment low-tech (et non high-tech) performant. Il ne faut empiler les systèmes énergétiques et avoir des bâtiments complexes.

7/ La prochaine RT 2020 qui généralisera le Bepos est-elle une réponse suffisante pour atteindre les objectifs de réduction de CO2 fixés par la France ?

Absolument pas puisque nous émettons du CO2 selon 4 axes: l’habitat, les transports, les achats et les déchets. Le bâtiment n’est donc qu’un des 3 secteurs. De plus le bâtiment neuf ne représente qu’1% du parc annuel de logement mis en chantier, il faut absolument s’attaquer à la rénovation du parc existant.

 

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